Les voilà qui essaient de se tailler en douce.
Hé, vous, les ciseaux, attendez, faut que nous ayons une conversation.
- Tu veux dire les fleurs, les abeilles, sortez couverts et tout ça ?
- Mais non, bien sûr que non, vous êtes des ciseaux, voyons.
- Nous avons eu peur un instant que tu ne l'aies oublié. Avec ta manie.
- Ma manie ?
- Parler aux objets, tu sais, c'est normal, les humains sont des moulins à parole ; mais faire parler les objets ...
- Oui ?
- Ben tu as un petit grain, quoi.Tu devrais plutôt saluer les vrais gens.
- Écoutez plutôt. Qu'est-ce que vous croyez que je devrais faire de ce blog ?
- Il faudrait COUPER.
- Mais c'est un blog, pas un bloc de papier. Vous ne pouvez pas couper. Et couper quoi d'abord ?
- Menteuse. Nous avons toute une corporation de copains spécialisée dans le couper /coller sur internet. Tu devrais COUPER tout ce qui n'est pas drôle. Et puis tout ce qui est trop long.
- Ah ?
- COUPER tout ce qui tourne au musée des souvenirs.
- Mais ...
- COUPER tout ce qui est loufoque. Et ce qui est stupide aussi.
- Mais ...
- Tu devrais COUPER tous les passages anthropomorphiques, et tous les passages où tu projettes tes propres sentiments dans tes objets. D'ailleurs ce ne sont pas TES objets. Tu devrais couper tout ce qui heurte notre sensibilité, à nous les choses, et tout ce qui nous rabaisse au rang de choses. Il faut COUPER aussi ...
- Stop ! Vous voulez établir une censure, c'est ça ? Et qu'est-ce que je devrais dire alors, plus rien ?
- Tu dis bonjour. Tu présentes nos revendications. Tu présentes des excuses pour toute la maltraitance que vous humains nous faites subir. Et tu salues  bien bas.
- Heu ... Et pourquoi je ferais ça ?
- Parce que pourquoi tu fais ce que tu fais.

Salut, les ciseaux ! Ciseaux ? Ciseaux ? La communication a été coupée, je crois ...

Tu as vu , Forsythia, M. pense à moi. Il a été me cueillir quelques unes de tes branches. J'ai réclamé les iris qui mélangent habituellement leur violet à ton jaune, mais il parait qu'ils n'ont pas encore pointé leur nez.
Il a rangé sa moisson dans un pichet en étain (échangé jadis contre une cocotte minute offerte en double exemplaire).
Sur mon plan de travail.

Tu vois petit forsythia, en fait c'est un plan de travail mais sans travail, marrant non ?

(Le forsythia ne veut pas me parler ; dans deux jours il sera fané ; il médite)

Salut Forsythia ! Force-toi à sourire.

Je sais, il y a déjà eu un "bonjour Mimosa". Mais, si l'on ne salue pas qui a été salué la veille, on va vite se fâcher avec ses voisins.

Oui, Éventail, je sais que tu n'es pas un éventail.
Bonjour Coquille Saint Jacques.
Bonjour poissons aux yeux glauques.
Bonjour Monsieur Breton, Madame Bretonne. Naïf, naïve.
Qu'est-ce que vous détonnez dans mon bureau !
Comme si on était à Quimper.

Bon, faut pas être raciste.
Pluriculturalismel, OUI ! Mais tu n'es vraiment pas à ta place, NON.

Et j'ai peur de te casser.

Dans ton ventre, des enveloppes, des bristols, des autocollants à mon adresse, les horaires du train à vapeur, des étiquettes pour valises, des tickets repas, des étiquettes pour cadeaux, les horaires de la déchèterie, les photos que je devais amener à ma mère mais que je n'ai pas retrouvées le jour voulu, la carte avec un soleil que j'ai cherchée en vain pour envoyer  un petit mot à T. et un brouillon de comptes.

Au verso, les poissons tortillonnent leurs queues.

Salut ! Sois sage !

Cette tasse est elle aussi à ranger dans la catégorie "industrie du tourisme". Rapportée à mon intention d'Italie par ma mère lorsque j'étais encore adolescente. Ma réaction n'avait pas été d'un grand enthousiasme. Perplexité devant l'objet ou circonstances me rendant peu encline à le regarder d'un œil favorable.
Je l'ai parfois utilisé comme cendrier, ce qui a bien abîmé l'intérieur. La peinture a un petit défaut. Le rebord de la tasse a une très légère écaillure.
Dire bonjour aux objets qui m'entourent me force à les regarder de façon plus critique que le vague regard habituel. Ces objets ont beaucoup vieilli. Je m'interroge sur leur devenir quand je ne serai plus. Des souvenirs sans valeurs pour autrui et qui m'enchaînent. Pauvres enfants qui vont en jeter la majorité.
Mais pas de souci à se faire pour les spedaletti. J'ai un jour demandé à Fille Jolie quel objet elle emporterait si elle devait en choisir un dans mon salon. Elle a longuement réfléchi avec une grimace plus que dubitative. C'est cette tasse qu'elle a désignée, ainsi qu'une boule de verre ramenée du comté de Kerry en Irlande.

Salut la tasse ! Finalement, je crois que je ne t'aime toujours pas.

Voici un petit pêcheur relativement sympathique.
Des Norvégiens de passage à la maison nous l'ont ramené de leur Nord natal.
Ou c'était des Suédois.
Ou alors des Danois.
Mais de là bas, c'est sûr.
Un pays de la mer.

De dos, il est assez craquant.

De face, il est pas mal niais.

De profil, il est carrément ... "prétentieux"





Il y a également une vendeuse de poisson et son étal. Et un petit vieux assis sur un banc.
A défaut, ils sont installés dans la salle de bain. Après tout, ils aiment l'eau.

Salut pêcheur ! Coquin !

Cette nuit, j'errais  sur le web, fuyant les ronflements de M.
Dehors le vent battait le linge et secouait les volets. 
Des bruits inquiétants. L'un d'entre eux me fila la frousse. 
Je retournais me réfugier auprès du bruit plus agaçant mais tellement plus habituel émanant de mon lit.
Au matin, j'ai trouvé un pot cassé.
Mon asperge du Cap se réjouit : elle commençait à se trouver à l'étroit.

Salut le pot cassé  ! (J'aime autant qu'on casse les pois )

Ce vieux mouchoir, très vieux, prétend qu'à l'ère des kleenex, tout un chacun devrait, au minimum, avoir un tampon pour estampiller ses mouchoirs avant utilisation.

Salut Mouchoir ! A tes souhaits.

Elle déprime grave.
Elle qui adore la chaleur et le soleil passe tout l'été enfermée au noir tout en haut du placard.
Elle a  songé à s'immoler par le feu mais elle est traîtreusement traitée ininflammable.
Les médicaments ne sont pas à sa portée.
Une balle, dans un bruit étouffé, ne ferait qu'un petit trou et une vilaine auréole déflorant sa virginale blancheur.
Son désespoir lui pesait davantage chaque nuit.
M. et moi n'aimions pas cela du tout. Nous apprécions les couettes légères et aériennes, folâtres.
Elle a réfléchi à une défenestration. L'idée a fait son chemin. Elle a repris goût à la vie.
Elle se ferait Mouettegolfière.
Elle a attendu son heure, l'air dégagé et innocent.
Quand je l'ai mise à tremper dans la baignoire pour la laver, son cœur a palpité. Le grand moment approchait. L'heure de la libération et de la gloire. L'heure de la LIBERTÉ.
Elle était prête pour le grand voyage.
Autant qu'on peut être prête.
M. l'a étendue au premier étage.
Toutes ses fibres frémissaient.
Elle a pris la mesure du vide sous elle : elle n'avait pas le vertige.
Un petit vent de bon aloi lui amenait l'air du sud.
Vite, sécher avant de pouvoir s'envoler. Ne pas trop attendre de peur d'être rentrée pour toute une nouvelle saison de placard.
Hélas : le petit vent marin a apporté la pluie. Elle était presque sèche. Je l'ai mise à l'abri, insensible à son désespoir.
TROP TARD ! TROP TARD ! Tout est à l'eau.
Ce n'était que quelques gouttes. Elle était encore humide. Je l'ai étendue une deuxième fois.
La joie lui est montée à la tête. L'impatience a été mauvaise conseillère. Elle n'a pas su attendre d'être assez légère. Elle n'a pas su attendre que le vent soit assez fort.
Son grand envol ne l'a pas portée plus loin que la rampe du rez de chaussée.
Un grand flop.

Salut la couette ! Tu aurais dû écouter ta housse lorsqu'elle t'a prévenue que le linge échappé était toujours repris.

Vis, bidule, truc, boulon, retourne toi, IMMÉDIATEMENT ! Allez.
Dans l'autre sens.
Tourne encore, encore.
Encore.
Sept fois sept fois.

Je vous jure, elle croyait qu'elle pouvait se tirer en douce, celle-là.
Il faut lui serrer la vis. Heureusement que je l'ai à l'œil.
Sans quoi elle serait tombée.
Une chute d'un bon mètre. Elle aurait pu se fracasser contre la poignée de la porte.
M. l'aurait sûrement ramassée.
Dans plusieurs semaines on l'aurait retrouvée au fond de la machine à laver.

Certains objets ont le vice chevillé au corps, c'est ainsi.

Salut le boulon ! Copain tournevis va te coincer, c'est sûr !

Avec les Montréjeaulais
Nous arrivons, nous voilà!
Roule, tambour du palais!
Pa ra ta ta ta pa ta ta.
Nous tenons, la tête haute
Des gros œufs en tas
Marquant, sans faire de faute
Une, deux, marquant le plat.
Les mouillettes  en arrière
Et la coquille en dehors,
Le jaune de cette manière,
bavant tout le long du corps.
Avec les Montréjeaulais
Nous arrivons, nous voilà!
Roule, tambour du palais!
Pa ra ta ta ta pa ta ta.
Pa ra ta ta ta pa ta
Pa ra ta ta ta pa ta ta.

Nous sommes les trois coquetiers de Montréjeau.
(Volés à ma mère.)

Salut les coquetiers ! 3 minutes et 20 secondes !